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  • Writer's pictureVivianne Dellamore

Self-care advise for queer activists (French/English)

(English Translation below)

Même s’il permet de galvaniser et d’être en accord avec ses convictions, le militantisme sous toutes ses formes (morale/intellectuelle/activiste) fatigue. En effet, le corps, l’âme et l’esprit des militant.e.x.s sont très largement engagés dans les luttes militantes. Que ce soit lorsqu’iels font acte de résistance, engagent des actions, éduquent, soutiennent des victimes, relayent des messages ; mais aussi lorsqu’iels subissent et luttent contre la violence d’un système qui tentent de les faire taire ou qui décrédibilisent leurs luttes, voire même leurs existences, l’activisme fatigue (beaucoup). Les luttes LGBTQIA+ sont multiples et s’attellent à défendre des notions humaines de base comme le droit : égalité des chances/des droits, luttes contre les violences et lutte pour le droit de disposer librement et avec respect de son corps (non hétérosexuel, non cisgenre) au sein de la société.


Avec des luttes si massives et importantes et un système toujours plus discriminant, le « burn out militant » guette. Je me pose les questions suivantes : Est-ce que les personnes queer militant.e.s.x sont potentiellement plus exposé.e.s.x à cet épuisement ? Comment prendre en compte le risque d’épuisement dans les milieux militant ? Comment créer une section « care » collective pour éviter l’épuisement ? Et comment se créer une habitude de « self care-love » lorsqu’on est militant.e.s.x ?


Etant infirmière auprès des victimes de violences et sexothérapeute, créatricex d’espaces inclusifs performatifs de « self love-care », (sur l’expression de la colère et l’énergie sexuelle), performeusex et membre de la communauté LGBTQIA+, je vais tenter d’apporter quelques pistes de réflexions sur ces questions.


Militer c’est d’abord un besoin de justice et un désir de rendre le monde meilleur pour toustesx. Lorsqu’on milite, on offre son temps, son énergie, ses idées, son âme et son corps à l’humanité pour la rendre plus juste. Ce don de soi est un acte d’amour ; il est généreux et motivé par un besoin (intense) de justice, mais parfois jalonné par la frustration, l’impuissance, le recommencement et la violence. Dans le cas du militantisme queer, il s’agit d’un militantisme politique, intellectuel, social mais aussi « de corps ». Les luttes LGBTQIA+ sont passablement marquées par la notion du « droit des corps et d’en disposer librement » et en ce sens, les corps queer sont très exposés durant les luttes.


Ces corps exposés et mis à contribution pour la lutte et dans la lutte deviennent les symboles des revendications (par exemple : les corps lesbiens pour la PMA, les corps transgenres pour les luttes anti-transphobie, les corps gays contre les violences homophobes,..). Les corps queer deviennent alors les objets des luttes et par conséquent les objets d’attaques de la norme cisgenre heterosexuelle. Les corps queer se retrouvent de ce fait commentés, analysés, jugés et décortiqués par la norme afin d’en justifier sa rigidité, son intolérance, sa discrimination et sa violence. Les corps queer passent du statut de sujets à objets et se retrouvent pris dans un étau entre exposition et visibilité indispensable à la lutte et tentative de domestication et d’invisibilisation (voire de destruction) par la norme.


Du point de vue psychologique et émotionnel, les personnesx LGBTQIA+ sont de façon systémique plus exposées au harcèlement, à la discrimination, au rejet, aux violences physiques et/ou psychologiques et/ou sexuelles et à ce qu’on appelle « le stress des « minorités » ». Plus exposéesx aux violences de tous types, les membres de notre communauté ont plus de probabilités de développer une fragilité émotionnelle ou des pathologies psychiatriques. Il ne s’agit pas de « psychiatriser » les personnesx en parlant de pathologies mais simplement de souligner que (c’est un fait) la communauté LGBTQIA+ est plus exposée au suicide par exemple. Dans le militantisme l’épuisement psychologique ressenti peut-être de l’ordre de la perte d’espoir (« je ne sais plus quoi faire »), d’un sentiment d’isolement (lorsque d’autres militant.e.s.x quittent la lutte), d’une perte de sens (« je ne sais plus pourquoi je fais tout ça ») et le sentiment de ne pas être entendu (actions militantes non relayées par les médias, voire censurées). Dans le militantisme les personnesx investiesx à la cause peuvent également ressentir de la difficulté à poser des limites, peuvent présenter un niveau d’exigence élevées envers elleux et le groupe, éprouver chroniquement le sentiment d’être insuffisant.e.x à la cause mais aussi présenter des attentes de résultats élevées (en regard des actions menées) envers soi et le groupe militant. Alors, comment éviter que les militant.e.x.s soient en « burn out » et comment valoriser leur implication ? Pour endiguer l’épuisement, les notions de « pause » et de « limites » me semblent fondamental. Alors, est-il possible de s’accorder une pause et de poser des limites sans culpabiliser ? Est-ce que la création de section care et d’espaces « pause ressource » au sein des luttes et à disposition des militant.e.s.x pourraient aider la cause elle-même ?


En effet pour se montrer disponible aux autresx, il est important de s’offrir des « pauses » afin de laisser son cerveau et son corps se reposer. Ces moments de pause peuvent être simples d’abord, comme par exemple couper les réseaux sociaux, rencontrer des personnesx non militantesx, lire des livres et écouter des podcasts non politiques. Ce n’est pas parce que les militant.e.s.x vont s’offrir une pause que leurs identités militantes seront menacées, que leurs valeurs politiques seront édulcorées ou qu’iels seront lâches. Créer un « espace pause ressource » c’est créer un espace non productif. Expérimenter la non production, le « rien », la contemplation et la bienveillance c’est un acte politique en lui-même car contraire à la société productiviste. Cet « espace pause ressource » peut être une activité groupale des au sein de l’association militante. En effet, lorsqu’un groupe militant se rassemble pour une action les personnesx font « corps » et leurs pensées converges vers un objectif commun. Repenser la notion d’individu et d’individualité dans un temps défini de « pause ressource » dans le groupe et sans jugement c’est aussi une façon de valoriser les différences entre elleux et de s’occuper de soi (ensemble). Ce n’est ni de l’égocentrisme, ni un abandon du groupe mais une façon de valoriser l’individu en santé au sein du groupe militant. L’espace « pause ressource » est également un temps « d’infusion » et de valorisation des actions individuelles et groupales menées. C’est un temps qui permet au corps et à l’esprit d’assimiler les actions menées de façon non-intellectuelle, simplement en remerciant les individus qui composent le groupe pour le don de soi fait à l’humanité. Exprimer cette gratitude sans jugement et sans mise en avant de l’égo est bienfaisante pour l’individu et pour le groupe (donne de la valeur à « ce qui a été fait » pour contrebalancer le peu de reconnaissance sociétale). Cet « espace pause improductif » est fait aussi nécessaire pour redonner aux corps leurs statuts de sujets. Se défaire du statut « corps objet » c’est ôter « son armure » durant un temps défini, c’est laisser la possibilité au corps de souffler, de se détendre, c’est lui amener de la douceur et de l’amour alors que ce dernier subit jugements, insultes, contrôle et violences. Pour cela plusieurs types d’outils peuvent être utilisés : la méditation guidée simple (et respiration en conscience), la danse libre (évacuation des tensions et des émotions logées dans le corps), l’écriture libre, le chant (émission de sons simples), la lecture de groupe non politisée, la marche silencieuse en nature et aussi la construction d’un groupe de parole à but cathartique (et non pas à but d’entraide). Dans ce dernier cas, il n’est alors attendu aucune réponse, ni conseil, à l’issu des partages au sein du groupe, « l’accueil » de la parole est le maître-mot. Il est aussi possible de faire appel à une tierce personne (en dehors du groupe de lutte) pour accompagner et guider cet « espace pause ressource » (pour ne pas avoir à engager sa charge mentale dans la création de ce groupe). De façon plus individuelle chaque personnex à ses propres limites par rapport au reste du groupe. Il est tout à fait cohérent de ne pas avoir les mêmes limites qu’unex autrex personnex puisqu’il s’agit de personnesx différentesx, aux vécus différents. Evidemment ces pratiques groupales sont transposables de façon individuelle à faire chez soi, dans une intimité hors groupe. Il est aussi possible de sortir (de façon temporaire ou définitive) ou de réaménager son temps militant pour être plus en accord avec ses disponibilités physique, psychique et matérielles, sans que ce soit un abandon de la cause et sans que les idées politiques des personnesx soient moins valables. Il est important de s’écouter individuellement sans porter de jugement à soi. Et encore une fois, surtout n’oubliez pas de vous remercier. Merci à vousx toustesx.


Self-care advise for queer activists (English translation)


While it can be galvanizing and empowering, activism in all its forms (moral/intellectual/activist) is tiresome. Activists' bodies, minds and spirits are very much engaged in activist struggles. Whether it is through resistance, action, education, supporting victims, relaying messages, or enduring and struggling against the violence of a system that tries to silence them or discredit their struggles, activism is (very) draining. LGBTQIA+ struggles are multifaceted and are working to defend basic human notions such as rights: equal opportunities and rights, struggles against violence, and struggles for the right to freely and respectfully dispose of one's (non-heterosexual, non-cisgender) body within society.


With such massive and important struggles and an ever more discriminating system, the "activist burnout" looms. I ask myself the following questions: Are queer activists potentially more exposed to this burnout? How do we address the risk of burnout in activist settings? How do we create a collective "care" section to avoid burnout? And how can we create a habit of self-care when we are activists?


As a nurse working with victims of violence and a sex therapist, creator of inclusive performative spaces of "self love-care" (on the expression of anger and sexual energy), and a performer and member of the LGBTQIA+ community, I will try to reflect on these questions.


Activism is first and foremost the expression of a need for justice and the desire to make the world a better place for everyone. When you are an activist, you offer your time, your energy, your ideas, your soul and your body to humanity to make it more just. This gift of self is an act of love; it is generous and motivated by an – intense – need for justice, but it is sometimes marked by frustration, powerlessness, repetition and violence. In the case of queer activism, it is a political, an intellectual, and social activism, but also a "body" activism. LGBTQIA+ struggles are quite marked by the notion of obtaining "the right of their bodies and disposing of them freely", and in this sense, queer bodies are seriously exposed during their activism.


These bodies exposed and put to task for the struggle and in the struggle become the symbols of their struggle (for example lesbian bodies for the PMA, transgender bodies for anti-transphobia struggles, gay bodies against homophobic violence). Queer bodies become then the objects of that struggle and consequently the objects of attacks from the heterosexual cisgender norm. Queer bodies are commented, analyzed, judged and dissected by the norm in order to self-justify their rigidity, intolerance, discrimination and violence. The queer bodies’ status is no longer that of a subject, but it becomes an object. They are caught in a vice between exposure and visibility essential to the struggle and attempt of domestication and invisibilization (perhaps even of destruction) by the norm.


From a psychological and emotional point of view, LGBTQIA+ people are systemically more exposed to harassment, discrimination, rejection, physical and/or psychological and/or sexual violence and what is called "minority stress". More exposed to the violence of all types, members of our community are more likely to develop emotional fragility or psychiatric pathologies. This is not to "psychiatrize" people by talking about pathologies, but simply to point out that (it is a fact) the LGBTQIA+ community is more exposed to suicide for example. In activism, the psychological exhaustion felt can be of the order of the loss of hope ("I don't know what to do anymore"), of a feeling of isolation (when other activists leave the struggle), of a loss of meaning ("I don't know why I'm doing all this anymore") and the feeling of not being heard (activist actions that are not relayed by the media, or even censored). In activism, people who are committed to the cause may also find it difficult to set limits, may have high expectations of themselves and the group, may chronically feel inadequate to the cause, and may have high expectations of themselves and the activist group in terms of the results of their actions. So, how can we prevent activists from getting to the point of burnout and how can we value their fight? To curb burnout, the notions of "break" and "limits" seem fundamental to me. So, is it possible to take a break and set limits without feeling guilty? Could the creation of care sections and "resource break" spaces within struggles and at the disposal of activists help the cause itself?


Indeed, in order to be available to others, it is important to offer oneself "breaks" in order to let one's brain and body rest. These breaks can be as simple as turning off your social networks, meeting with non-activists, reading books and listening to non-political podcasts. Just because activists take breaks doesn't mean their activist identities are threatened, their political values are watered down, or that they are cowards. To create a "resource break space" is to create a non-productive space. Experimenting with non-production, "nothing", contemplation and benevolence is a political act in itself because it is contrary to the society of productivity. This "resource break space" can be a group activity within the militant association. Indeed, when a militant group gathers for action, the people are "one" and their thoughts converge towards a common objective. Rethinking the notion of individual and individuality in a defined time of "resource break" in the group and without judgment is also a way to value the differences between them and to take care of oneself (together). It is neither an act of selfishness nor an abandonment of the group, but a way to value the healthy individual within the activist group. The "resource break" space is also a time for "infusion" and valorization of individual and group actions. It is a time that allows the body and mind to assimilate the actions carried out in a non-intellectual way, simply by thanking the individuals who make up the group for the gift self-made to humanity. Expressing this gratitude without judgment and without putting the ego first is beneficial for the individual and for the group (giving value to "what has been done" to counterbalance the lack of societal recognition). Such an unproductive pause is also necessary to give back to the bodies their status of subjects. To get rid of the status of object-body is to take off "its armour" during a defined time, it is to leave the possibility to the body to breathe, to relax, it is to bring softness and love to it while it undergoes judgments, insults, control and violence. For this, several types of tools can be used: simple guided meditation (and conscious breathing), free dance (evacuation of tensions and emotions lodged in the body), freewriting, singing (emission of simple sounds), non-politicized group reading, silent walking in nature, and also the construction of a discussion group with a cathartic goal (and not a mutual aid goal). In this last case, no answer or advice is expected at the end of the group's sharing, the "welcome" of the word is the keyword. It is also possible to call upon a third person (outside the group) to accompany and guide this "resource break space" (so as not to have to commit one's mental load to the creation of this group).


On a more individual level, each person has their own limits in relation to the rest of the group. It is quite coherent not to have the same limits as another person, since they are different people with different experiences. Obviously, these group practices can be transposed individually to be done at home, in an intimate setting outside the group. It is also possible to leave (temporarily or permanently) or to reorganize one's activist time to be more in agreement with one's physical, psychic and material availability, without it being an abandonment of the cause and without the political ideas of the people becoming less valid. It is important to listen to oneself individually without judging oneself. And once again, don't forget to thank yourself. We thank you all for what you give to us as queer people everyday.


References:

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